Les cités du Vésuve, Partie 1/3 – Histoire d’une découverte #1

La redécouverte de Pompéi et d’Herculanum

Pompéi est aujourd’hui un lieu mondialement connu non seulement pour ses vestiges uniques mais également parce qu’il présente un témoignage unique de la vie d’une cité antique. Cette richesse culturelle lui a permi d’être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997. Bien que l’histoire de la cité ait connu une fin tragique à la fin du Ier siècle, le site de Pompéi a trouvé une seconde vie après sa redécouverte au XVIIIe siècle. C’est celle-ci que je vous propose de découvrir aujourd’hui à travers une série d’articles revenants sur l’histoire de la redécouverte des cités vénusienne.

Elle est rythmée par des hommes et des femmes qui ont eu à cœur de faire parler les vestiges et redonner la parole à ces Pompéien disparus sous les cendres du Vésuve. C’est par ce tragique incident de 79 de notre ère que notre récit débute.

Karl Bryullov, Le dernier jour de Pompéi, 1830 – 1833, musée russe (domaine public)

L’éruption du Vésuve : la disparition de toute une région

Une éruption violente et destructrice

Carte de MapMaster présentant la zone d’éruption du Vésuve (licence CC BY-SA)

En 79 de notre ère, le Vésuve entre en éruption. Il s’agit de son éruption la plus violente et meurtrière. Cette dernière est documentée par Pline le Jeune à travers ses lettres adressées à Tacite. Au matin, de violents tremblements de terre secouent la région avant que, vers midi, le cône supérieur du volcan explose, projetant des tonnes de matériaux sur les villes environnantes. Parmi elles se trouvent Pompéi et Herculanum. Il s’agit de la première phase de l’éruption. Elle couvre les cités d’une épaisse couche de cendre et de matériaux volcaniques provoquant morts et destruction. Cependant, plusieurs personnes arrivent à fuir et ainsi sauver leurs vies et quelques uns de leurs biens les plus précieux. Environ 24 heures après, la seconde phase de l’éruption débute : les nuées ardentes. La première d’entre elles atteint les 400 degrés et s’abat sur la région à une vitesse de plus de 80 kilomètres par heures, tuant instantanément tous les survivants. Pendant la nuit, elle est suivie de cinq autres nuées encore plus violentes et destructrices.

Après l’éruption, les environs du Vésuve ne ressemblent plus en rien aux terres fertiles et attrayantes décrites par le géographe antique Strabon. Les cités au pied du volcan sont en ruines, couvertes d’une épaisse couche de cendre. Pompéi est ainsi ensevelie sous six mètres de matériaux volcaniques. Herculanum connaît quand à elle une situation bien différente puisque vingt mètres de cendres couvrent la cité. Bien d’autres cités connaissent le même sort comme Oplontis ou encore Stabie.

Les habitants de ces cités sont tous morts. Certains se sont étouffés, les bronches remplies de cendres. D’autres se sont retrouvés écrasés sous les toits effondrés de leurs maisons. A Herculanum, la nuée ardente carbonise la peau, fait bouillir les cerveaux, pour ne laisser de ses habitants que les os. Le Vésuve a éteint toute forme de vie autour de lui.

Des sites oubliés ?

Ainsi, Pline le Jeune a relaté cet épisode traumatique dans une lettre. Et ce n’est pas la seule personne à porter un intérêt à cette éruption. Ainsi, après la catastrophe, la mémoire des cités vésuviennes ne disparaît pas totalement. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, Pompéi se trouve ensevelie sous 9 mètres de matériaux. Ainsi, les plus hauts bâtiments de la ville émergent légèrement de terre. De ce fait, certains survivants ont voulu se rendre dans leurs maisons pour récupérer des objets personnels ou encore des objets de culte. Mais, tous ne sont pas à la recherche de biens personnels. De nombreux pilleurs vont ainsi arriver en quête des objets précieux laissés dans la cité.

Cependant, à travers les siècles, les cités vésuviennes tombent dans l’oubli malgré leur présence dans des textes anciens. Autour de Pompéi, l’empereur interdit toute reconstruction de la cité et pendant longtemps la zone est appelée la “Civita”. Ce nom de Civita est particulièrement intéressant. En effet, le mot civita signifie cité en latin. De ce fait, on peut penser que ce nom a été donné à la zone en souvenir de la présence de la cité de Pompéi. Pour Herculanum, la situation est toute autre. La cité est ensevelie sous près de 20 mètres de matériaux volcaniques. Ainsi, Herculanum tombe rapidement dans l’oubli et une ville va se bâtir sur la cité antique au Moyen Âge, Resina.

Cependant, les cités du Vésuve connaissent un intérêt ponctuel après leur disparition. Ainsi, dès le XVe siècle, on trouve des fictions mentionnant Pompéi et Herculanum. De plus, dès 1592, on trouve dans la région de Civita des objets antiques et notamment de beaux marbres. En effet, Domenico Fontana, célèbre architecte du XVIe siècle, décide de creuser un canal d’irrigation traversant la zone. Lors de ces creusements, des objets antiques sont mis au jour, notamment du marbre qui est collecté par Fontana. Mais, il ne semble pas avoir conscience de la présence de toute une cité antique sous ses pieds. En 1637, Luc Holstenius, un humaniste allemand, annonce que la cité antique de Pompéi se trouve sous le site appelé Civitas mais il n’est cru par aucun de ses contemporains. Les cités du Vésuve disparaissent ainsi des mémoires et leur localisation est sujette à spéculation pendant de nombreuses années jusqu’au XVIIIe siècle où la redécouverte fortuite d’Herculanum redonne vie aux ruines des cités sinistrées.

La redécouverte des sites au XVIIIe siècle

Herculanum : récit d’une découverte fortuite

En 1707, dans la ville de Resina, un paysan cherche de l’eau pour arroser son jardin. Il entreprend de creuser un puits de 15 mètres. Au fond du puits, il trouve de grands morceaux de marbre. Fier de sa découverte, il ébruite l’affaire autour de lui. La région est alors régie par un prince autrichien, le prince d’Elbeuf, qui construit au même moment un palais près de la mer. Il demande à son chef de chantier de faire l’acquisition de ces marbres. Mais, le prince d’Elbeuf est un homme instruit. De ce fait, il connaît l’histoire de la région du Vésuve. C’est pourquoi, il se dit qu’il existe sans doutes un lien entre les marbres retrouvées et les cités antiques du Vésuve mentionnées dans les textes. Il décide donc d’acheter le terrain en question afin de mener ses propres fouilles.

Ces dernières sont menées de manière archaïque : on descend le long du premier puits et on creuse ensuite à la verticale pour explorer la zone grâce à ces galeries. On creuse sans réellement savoir où l’on va et on se contente de remonter à la surface les beaux objets.

Au cours des fouilles, il met au jour plusieurs oeuvres antiques et notamment des statues et du marbre. Le prince pense être tombé sur un temple antique en raison des différentes statues, notamment des statues d’Hercule. Cependant, il ne tarde pas à découvrir une inscription qui indique qu’il se trouve dans le théâtre des Herculaneens. Le prince d’Elbeuf décide alors de vendre le marbre et les statues aux différents collectionneurs européens. De ce fait, il éparpille les vestiges et aujourd’hui encore, on ignore où se trouvent toutes les statues découvertes au début du XVIIIe siècle. Face à ce pillage, les contemporains ne restent pas indifférents et le pape lui même intervient pour interrompre les fouilles du prince d’Elbeuf. Ainsi, les premières fouilles prennent fin à Herculanum, mais l’intérêt pour le site antique ne décroît pas et bien vite, les explorations reprennent.

L’impulsion des Bourbons sur les fouilles d’Herculanum

Anton Raphael Mengs, Portrait de Charles III, 1760 (domaine public)

En effet, dès 1738, les fouilles d’Herculanum reprennent. En 1735, un nouveau roi arrive dans la région de Naples : Charles III de Bourbon. Charles instaure une nouvelle dynastie et il souhaite asseoir son pouvoir et souligner la grandeur de son nouveau règne. La fouille d’Herculanum se présente ainsi comme une chance unique pour mettre en avant Naples sur la scène internationale. Il décide donc de reprendre les fouilles en main, des fouilles qui seront financées par le trésors royal. Le roi instaure ainsi un monopole des fouilles. Ainsi, personne ne peut creuser, dessiner ou prendre des notes sans l’autorisation royale. Charles souhaite ainsi conserver tous ces trésors pour sa collection personnelle. Afin de l’aider dans son entreprise, le roi fait appel à des ingénieurs de l’armée dirigés par Alcubierre. Ils initient la plus grande phase de fouilles d’Herculanum.

Bien qu’il s’agisse de l’une des premières fouilles archéologiques de grande ampleur, il s’agit, pour toute personne ayant des connaissances archéologiques, d’une catastrophe méthodologique. Ainsi, ils reprennent le système de fouilles par galeries : les fouilleurs, des forçats ou des ouvriers salariés, descendent sous terre par des galeries verticales. Agissant à l’aveugle, il n’est pas rare qu’ils détruisent des murs et les décors qu’ils portent. Quand ils trouvent un élément intéressant, ils suivent les murs en creusant des galeries horizontales larges de 80 à 100 cm et hautes de 2 mètres. Si un objet digne d’intérêt est mis au jour, ils élargissent la zone de fouille. 

Louis Nicolas Lemasle, Figli di Murat visitano gli scavi di Ercolano (photo par Mentnafunangann – Licence CC BY-SA 4.0)

Leur objectif est clair : trouver de belles choses comme des statues, des peintures murales ou encore des mosaïques. Tous les éléments trouvés étaient répertoriés et transportés au palais de Portici qui accueillera un musée dès 1758. Pour se saisir de ces objets, les fouilleurs n’hésitent pas à arracher tout ce qui est de bonne qualité. Par exemple, pour prendre une belle peinture murale, cette dernière est arrachée du mur. Ces techniques de fouilles sont donc une catastrophe pour la conservation du site. Ainsi, Winkelman, le père de l’histoire de l’art, va vivement critiquer les méthodes employées par Alcubierre.

Malgré des découvertes de grande importance comme la villa des Papyrus, découverte en 1750, les fouilles à Herculanum sont très laborieuses puisqu’elles prennent place sous terre. Ainsi, les fouilles vont connaître un coup de frein important et notamment avec l’arrivée d’une nouvelle découverte qui va profondément marquer les contemporains : Pompéi.

La découverte de Pompéi

Connaissant les textes antiques, Alcubierre a conscience de la présence d’une autre cité à proximité d’Herculanum : Pompéi. Il décide donc d’entreprendre des recherches afin de trouver l’emplacement de la cité. Ainsi, fin mars 1748, un détachement du corps militaire entreprend la fouille dans la zone de Civita. Ils mettent au jour les vestiges de Pompéi. Une nouvelle fois, on fouille sans vraiment avoir un plan défini par des sondages aléatoires. De ce fait, rien d’extraordinaire n’est mis au jour et Alcubierre décide de retourner à Herculanum.

Pietro Fabris, Fouilles du temple d’Isis à Pompéi (domaine public)

Il ne revient à Pompéi qu’en 1755 assisté par Karl Weber et Francesco De Vega. Une nouvelle fois, les recherches visent à récupérer des objets d’art à des fins plus financières que scientifique. Ainsi, ils arrachent les plus belles peintures et vont même jusqu’à en détruire d’autres afin que personne d’autre ne mette la main dessus. Cette première phase de fouilles concerne la zone du théâtre (alors comprise comme une basilique) et les villas de la partie nord de la cité. Les phases suivantes vont partir de là en suivant les rues sans vraiment de logique. Il est par ailleurs important de noter que la méthode de fouilles varie par rapport à Herculanum puisque la zone à fouiller se trouve sous moins de matériaux volcaniques et aucune ville ne s’y est installée. On fouille donc par plans inclinés ce qui représente un travail colossal.

Enfin, jusqu’en 1765 et sous la direction des fouilles par De Vega, on fouille une zone en prenant tous les objets intéressants avant de ré-enterrer les monuments dès que leur fonction est découverte. De Vega est le premier directeur à laisser les éléments découverts sur place et à déblayer la terre pour ne pas gêner les fouilles. Ainsi, petit à petit, les méthodes de fouilles se perfectionnent.

Conclusion

Ainsi, après une disparition brutale et violente, les cités du Vésuve sont tombées dans l’oubli jusqu’au XVIIIe siècle où leur découverte fortuite les mets au premier plan sur la scène européenne. Les premières fouilles ne répondent à aucune méthode scientifique puisque l’archéologie scientifique telle que nous la concevons aujourd’hui n’existe pas encore. De ce fait, elles ne sont mues que par l’appât du gain et font la part belle aux méthodes destructrices. Cependant, à la fin du siècle, on voit apparaître les premières méthodes de recherches permettant une meilleure conservation du site. Ainsi, au XIXe siècle va naître la conscience de la conservation et les méthodes vont devenir plus précises et respectueuses du site.

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • BARBET Alix, Les cités enfouies du Vésuve, Pompéi, Herculanum, Stabie et autres lieux, Fayard, 1999.
  • Dir. COARELLI Filippo, Pompéi, la ville ensevelie,, Larousse, 2005.
  • ESPOSITO Domenico et GUIDOBALDI Maria Paola, Herculanum, Imprimerie nationale Editions, Paris, 2012.
  • ETIENNE Robert, Pompéi, Hachette littératures, 1998.
  • ETIENNE Robert, Pompéi, la cité ensevelie, Découverte Gallimard, Archéologie, réédition de 2009.
  • NAPPO Salvatore, Pompéi, guide de la cité antique, Gründ, réédition de 2015.
  • Dir. RANIERI PANETTA Marisa, Pompéi, Histoire, vie et art de la ville enterrée, Editions White Star.

Ouvrages spécialisés

  • ZANELMA Sandra, La Caccia fu buona, Pour une histoire des fouilles à Pompéi de Titus à l’Europe, Centre Jean Bérard, Naples.

Webographie

Autres

  • Cours de troisième année de Licence sur l’art des cités antiques.
  • Conférence sur les fouilles d’Herculanum.