
L’université aujourd’hui est au cœur des préoccupations. On ne cesse de vouloir la réformer, la modifier, l’adapter à notre époque. Pourtant l’université a des origines lointaines et on peut donc s’interroger sur la fondation des universités et ses enseignements.
D’où viennent les universités ?
Au XII° siècle se sont développées dans toute l’Europe des écoles régulées par la papauté. L’enseignement dans ces écoles y est libre ou individuel. Les maîtres de ces écoles possèdent une licentia docendi, c’est à dire une habilitation à ouvrir une école. Cette habilitation est distribuée de manière gratuite par les évêques. Une fois cette habilitation obtenue, le maître peut ouvrir une école là où il le souhaite avec un contrôle réduit de la part des évêques. On y donne des cours de droit et de théologie. Les universités du XIII° siècle sont les héritières directes de ces écoles et les réunit dans une même institution afin de réguler la concurrence qu’elles se font.
Dans un premier temps, ces universités portent le nom de consortium, puis de communitas et enfin d’universitas. Ce mot désigne à l’origine une confrérie religieuse, une communauté de métiers ou enfin les habitants d’un même quartier ou d’une même ville. L’université est donc au XIII° siècle ce que l’on nomme une corporation : elle assure elle-même sa discipline et fait respecter ses propres règlements. Le Pape en fait une véritable institution. De plus, il va regrouper les différentes universités au milieu du XIII° siècle dans ce que l’on appelle le studium generale. Les universités sont donc protégées mais également contrôlées par la papauté. Les grades qui y sont conférées sont donc universellement reconnus.
On peut donc se demander ce qui a poussé à la création d’une telle institution. Plusieurs thèses sont avancées par les historiens. Parmi elles se trouve la manifestation d’un renouvellement du savoir dû à la redécouverte de la philosophie d’Aristote. Cet enthousiasme intellectuel aurai poussé les maîtres à s’organiser dans des institutions. Mais on y voit aussi l’expression d’une pression sociale exercée par tous ceux qui voulaient obtenir de meilleurs qualification et des diplômes menant aux carrières cléricales ou de l’État.
Qu’enseigne t-on dans ces universités ?
L’université est divisée en facultés. Le mot facultas désigne tout d’abord au Moyen Âge la matière enseignée puis, l’ordre des études, et enfin, l’ensemble des maîtres et des étudiants d’une même discipline. Ces facultés sont dirigées par un doyen. Ce dernier est le membre le plus âgé ou le plus ancien dans ses fonctions. Les facultés n’ont pas toute la même importance ni le même rôle.

On trouve tout d’abord la faculté des arts où on enseigne les arts libéraux. Parmi les disciplines enseignées, on trouve la rhétorique, la dialectique, l’astronomie, la médecine, la géographie, la musique et la philosophie. Ces sciences sont liées à la connaissance du message divin. Elles sont séparées en deux. D’un côté le trivium qui réunit la grammaire et la logique et de l’autre côté on a le quadrivium avec l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie ou encore la musique. Cette faculté peut être intégrée dès 14 ans. De plus, à Paris par exemple, elle est un passage obligatoire avant de commencer la faculté de théologie dont nous parlerons un peu plus bas.
La faculté de droit est divisée entre le droit romain et le droit canon. Le droit romain donne les lois du monde laïque. Il préside à l’élaboration d’un droit savant qui influence les mentalités et la société toute entière. Pourtant le droit romain n’est pas le plus important dans la société médiévale. De ce fait, on enseigne aussi le droit canon, le droit de l’Église. Il est constitué depuis l’antiquité et rassemble l’ensemble des dispositions législatives élaborées par les autorités ecclésiastiques. Il se développe en même temps que le droit romain et lui fait connaître un essor remarquable. Une université se distingue particulièrement dans l’enseignement du droit, et particulièrement le droit romain : l’université de Bologne en Italie. En revanche, l’enseignement du droit romain est interdit à l’université de Paris. Les Universités ne se font donc pas directement concurrence.
Enfin, la faculté de théologie domine l’enseignement de cette époque. Elle est réservée à un petit nombre d’élèves mais ces derniers obtiennent un grand prestige et une importance remarquable dans la société. Cet enseignement vise à expliquer la Parole divine et la Révélation. Ces dernières sont arrivées aux hommes sous la forme d’écritures qui sont souvent obscures et possèdent parfois des contradictions. Là encore, une université se distingue pour son enseignement. Il s’agit de l’université de Paris. D’autres universités enseignent aussi la théologie comme l’université d’Oxford en Angleterre mais, une nouvelle fois, la concurrence n’est pas présente car Oxford procède à un recrutement uniquement local.
Comment enseigne t-on au XIII° siècle ?
La méthode d’enseignement est précise et on peut la découper en quatre grandes parties : la lectio qui aboutit à la questio, la disputatio et enfin la determinatio. La lectio est un commentaire suivit, chapitre par chapitre avec pour but de ne rien laisser de côté. Souvent l’étudiant essaie de glisser, de manière plus ou moins subtile, sa propre pensée dans les textes ou les idées reçues. On a ensuite bien souvent une questio, une affirmation sur le texte. Il s’agit de la transcription écrite d’un exercice oral solennel, la disputatio ou dispute.

Innocent IV, Commentaire de Décrétale, bibliothèque de la Sorbonne, Paris
Tous les étudiants assistent aux disputes ainsi que tous les membres des universités, même les maîtres. C’est le maître qui préside l’exercice et choisi à l’avance le sujet. L’étudiant présente sa thèse dans un exposé et tout ce qu’il dit est sous l’autorité du maître. Ensuite le maître lui présente des objections qu’il doit pouvoir contredire. Il s’agit donc d’une véritable joute verbale où gagne celui qui a le plus d’arguments. Enfin, le maître en fait un exposé cohérent pour ses autres élèves. C’est ce que l’on appelle la determinatio, une sorte de mise au point à l’oral pour tous les étudiants.
Que peut-on retenir de cette instituion ?
Les universités se sont donc développées très vite en prenant racine dans les écoles indépendantes du XII° siècle. Elles répondent à une même autorité, celle du Pape qui les défend également. On y enseigne des matières importantes, liées au monde chrétien, telles que les arts libéraux, le droit romain ou canon et enfin, le plus important, la théologie. Cet enseignement est surtout délivré de manière oral et se base sur la joute verbale. Ces universités vont continuer de se développer tout au long des siècles et diversifier leur enseignement en y abritant des personnages célèbres comme Saint Thomas d’Aquin ou encore, pour une période postérieure, des hommes tels que Cesare Borgia fournissant ainsi des personnes savantes au monde ecclésiastique mais aussi aux grands princes du monde laïque.
Bibliographie
Ouvrages généraux
• BOUDET Jean-Patrice, GUERREAU-JALABERT Anita, SOT Michel, Le Moyen Âge, Histoire culturelle de la France, Tome 1, Seuil, 1997.
• BOURDIN-DERRUAU Monique, Temps d’équilibres, temps de ruptures, XIII° siècle, Nouvelle histoire de la France Médiévale, Tome 4, Seuil, 1990.
• DESTEMBERG Antoine, Atlas de la France médiévale, Hommes, pouvoirs et espaces, du V° au XV° siècle, Toulon, éditions Autrement, 2017.
• MUZELLE Stéphane, 100 fiches d’histoire du Moyen Âge, Bréal, 2017.
Ouvrages spécialisés
• CHARLE Christophe, VERGER Jacques, Histoire des universités, XII° – XXI° siècle, Paris, Puf, 2012.
• MARTIN Hervé, MERDRIGNAC Bernard, Culture et société dans l’Occident médiéval, Ophrys, 1999.
• PAUL Jacques, Histoire intellectuelle de l’Occident médiéval, Paris, Armand Colin, 1998.
• RICHE Pierre, L’enseignement au Moyen Âge, Paris, CNRS éditions, 2016.
• VERGER Jacques, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.
• VERGER Jacques, Les universités au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 1973 réédition 1999.
Marina G