La mise en place d’une méthodologie de fouilles
Nous nous sommes quittés à la fin du XIXe. Les vestiges des cités antiques de Pompéi et d’Herculanum ont été mis au jour et les fouilleurs ont un but principal : la recherche des objets beaux et précieux. De ce fait, ils n’utilisent aucune méthode scientifique. Les sites sont pillés et de nombreux bâtiments antiques sont dégradés. Rapidement, la question de la conservation de ces vestiges se pose. A la fin du XIXe siècle, on cherche donc de nouvelles façons de fouiller le site, moins agressives et plus respectueuses des vestiges. Un homme incarne cette période de transition : Giuseppe Fiorelli.
L’oeuvre de Fiorelli
Le 20 décembre 1860, le roi nouveau roi d’Italie, Victor Emmanuel II, nomme Giuseppe Fiorelli à la tête des fouilles de Pompéi. En effet, le roi y voit un moyen unique de faire rayonner l’Italie et la nouvelle royauté à travers le monde. L’arrivée de Fiorelli va apporter une nouvelle dimension aux fouilles de Pompéi : il fonde l’archéologie scientifique.

Des fouilles méthodiques
Fiorelli commence par établir un plan de fouilles. Pour cela, il met en place une topographie de la cité antique. Il créer donc plusieurs subdivisions avec les régions, les insulae et les maisons. Chacune de ces subdivisions obtient un chiffre. Fiorelli parvient à donner une dénomination propre à chaque maison et à chaque découverte simplifiant ainsi les fouilles. Avant lui, les différentes maisons recevaient un nom aléatoire, selon ce que les fouilleurs y trouvaient, et ce nom pouvait changer d’une équipe à une autre. De plus, cette nouvelle topographie permet à Fiorelli de faire un inventaire rigoureux des bâtiments. Son système est par ailleurs encore utilisé aujourd’hui.
Dans un second temps, l’archéologue italien tient un journal dans lequel il détaille les fouilles et les découvertes faites au jour le jour. Ce journal lui permet d’établir un premier examen scientifique des objets mis au jour.

Enfin, Fiorelli met en place une nouvelle méthode de fouilles. Comme nous l’avons évoqué dans le premier article sur Pompéi et Herculanum, avant Fiorelli, les méthodes de fouilles sont chaotiques. A Pompéi, les fouilleurs passent par les rues, ils creusent à l’horizontale et quand ils découvrent une maison, il y entrent par le bas pour y prendre tous les objets jugés dignes d’intérêt. Fiorelli comprend bien vite que ce système de fouilles met en danger les structures des différents monuments. Il décide donc de fouiller de manière verticale : il commence par le toit et descend progressivement jusqu’au sol. Cette technique lui permet d’éviter les effondrements. En utilisant cette technique, il entreprend un dégagement systématique des monuments antiques. Pour cela, il met en place un système de wagonnets sur rails pour évacuer les surplus de terre hors de la zone de fouilles. Ces méthodes nouvelles sont très appréciées et vont être reprises dans de nombreux autres chantiers italiens. Mais, au delà des nouvelles méthodes de fouilles, Fiorelli apporte un autre élément important à Pompéi : la volonté de conserver le site et lui rendre son aspect antique.
Un soucis de conservation
Les nouvelles techniques de fouilles mises en place par Fiorelli, permettent une meilleure connaissance des vestiges de la cité antique mais également une meilleure conservation. En effet, c’est avec l’archéologue italien qu’apparaissent les premiers soucis de conservation.
Tout d’abord, Fiorelli prend la décision de conserver les fresques mise au jour in situ. Jusqu’à présent, les fresques et les mosaïques étaient arrachées des murs et placées dans le musée ou entreposées. En laissant les fresques sur place, Fiorelli a une meilleure lisibilité de la maison antique mais permet également une meilleure conservation de ces vestiges.
De plus, sa méthode de fouilles à la verticale lui permet de dresser un inventaire de tous les éléments constitutifs des habitations et des monuments de Pompéi. Ainsi, ces découvertes lui permettent de comprendre les différentes constructions antiques. De ce fait, il s’essaie à la restauration de ces édifices en élévation en appliquant les principes qu’il a découvert lors des fouilles. Fiorelli décide également de protéger certaines maisons et leurs peintures, en utilisant du verre par exemple.
Avec Fiorelli, on voit donc apparaître les premières mesures de protection du patrimoine à Pompéi, bien que les destructions antérieures aient entraîné des problèmes de lecture des vestiges.
La révolution des moulages
Bien que ses travaux archéologique et de conservation en font un personnage important dans l’histoire du site, Fiorelli est surtout connu du grand public pour une technique mise au point en 1863 : le moulage des corps.
Comme nous avons pu le voir dans le premier article consacré aux cités du Vésuve, lors de l’éruption, les corps de Pompéiens ont été emprisonnés dans de la matière volcanique. Cette matière volcanique s’est solidifiée autour des corps des Pompéiens avant que ces derniers ne se décomposent. De ce fait, la matière volcanique s’est transformée en une sorte de moule, une cavité vide conservant la forme des corps. Fiorelli prend bien vite conscience de la présence de ces cavités lors des fouilles. Il décide alors d’y faire couler du plâtre pour découvrir ce qu’elles contenaient. Après quelques ratés, il arrive à mouler le corps de Pompéiens dans leurs derniers instants. Ces moulages ont suscité de vives émotions à l’époque puisqu’ils rendaient compte des dernières secondes de vie des Pompéiens, leurs vêtements, leurs attitudes ou encore leurs expressions. Ils sont des témoignages uniques et émouvants du drame de 79.


L’héritage de Fiorelli
En 1875, Fiorelli devient le directeur général du musée des Beaux-Arts du royaume. De ce fait, il quitte le chantier archéologique et laisse à ses élèves le soin de poursuivre son travail et de perpétuer ses méthodes.
Les héritiers de Fiorelli
Après le départ de Fiorelli, les fouilles sont reprises par Michele Ruggiero, le collaborateur de Fiorelli depuis 1864. Sous sa direction, Pompéi connaît une de ses périodes les plus fastes. Il dégage les quartiers hauts de la ville à travers les premiers essais de fouilles stratigraphiques. De plus, il dégage en 1880 des nécropoles aux portes de la cité. Il reste à la tête du chantier jusqu’en 1893, date à laquelle Giulio De Petra reprend les travaux.
On lui doit de nombreuses découvertes importantes dans la cité comme la maison des Vettii, connue pour son état de conservation remarquable et pour ses nombreuses fresques, la maison de Lucretius ou encore la célèbre villa des Mystères. Son travail est poursuivi par Ettore Pais (1902 – 1905) et Antonio Sogliano (1905 – 1910). Cependant, ces deux archéologues ne disposent pas d’assez de temps pour marquer profondément l’histoire de la fouille.

Les fouilles connaissent enfin une grande impulsion à partir de 1910 grâce au travail de Vittorio Spinazzola. Dans un premier temps, il abandonne la fouille des quartiers septentrionaux pour se concentrer sur les quartiers méridionaux et orientaux. Il fouille en suivant les rues, notamment le decumanus inférieur, en restaurant au fur et à mesure les façades des maisons. Ainsi, les successeurs de Fiorelli ont permis de mettre au jour de nombreux quartiers et ainsi accroître notre connaissances sur la cité. Mais, leurs travaux ont aussi permis de perpétuer les travaux de conservation et de restauration initiés par leur prédécesseur.
La perpétuation des méthodes
En effet, ces différents archéologues ont mis au premier plan les questions liées à la conservation et la restauration des vestiges. Ruggiero entreprend ainsi de nombreux travaux de restaurations dans différents édifices de la ville. De Petra, quand à lui, restaure les murs des villas qu’il met au jour. De plus, il met en place une recomposition des jardins pompéiens. Sogliano fait de la conservation du site sa mission principale. Il met ainsi en place une grande diversité de moyens techniques qui sont encore employés de nos jours. Enfin Spinazzola a à coeur de préserver les maisons avec les différents éléments qui les composent comme le mobilier des boutiques, les peintures murales mais également les façades et les différents éléments qui les composent comme les balcons, les étages supérieurs ou encore les publicités murales.
Conclusion
Avec les travaux de Fiorelli et de ses successeurs, les fouilles à Pompéi prennent donc un nouveau tournant. Non seulement de nombreuses zones sont mise au jour, mais les fouilles acquièrent une dimension scientifique. On établit un plan précis de la ville et une méthode de fouille rigoureuse. A cela s’ajoute une volonté de préserver les vestiges et de les restaurer quand leur état devient inquiétant. Pompéi devient donc un modèle pour les fouilles archéologiques à la fin du XIXe siècle et va servir de référence pour de nombreux autres chantiers archéologiques.
Bibliographie
Ouvrages généraux
- BARBET Alix, Les cités enfouies du Vésuve, Pompéi, Herculanum, Stabie et autres lieux, Fayard, 1999.
- Dir. COARELLI Filippo, Pompéi, la ville ensevelie,, Larousse, 2005.
- ESPOSITO Domenico et GUIDOBALDI Maria Paola, Herculanum, Imprimerie nationale Editions, Paris, 2012.
- ETIENNE Robert, Pompéi, Hachette littératures, 1998.
- ETIENNE Robert, Pompéi, la cité ensevelie, Découverte Gallimard, Archéologie, réédition de 2009.
- NAPPO Salvatore, Pompéi, guide de la cité antique, Gründ, réédition de 2015.
- Dir. RANIERI PANETTA Marisa, Pompéi, Histoire, vie et art de la ville enterrée, Editions White Star.
Ouvrages spécialisés
- ZANELMA Sandra, La Caccia fu buona, Pour une histoire des fouilles à Pompéi de Titus à l’Europe, Centre Jean Bérard, Naples.
Webographie
- UNESCO : https://whc.unesco.org/fr/list/829/
- Découverte et réception de Herculanum et Pompéi : https://blogs.univ-tlse2.fr/tempushistoriae/files/2016/11/D%C3%A9couverte-et-r%C3%A9ception-dHerculanum-et-Pomp%C3%A9i.pdf
- « FIORELLI GIUSEPPE – (1823-1896) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 février 2020. http://www.universalis.fr/encyclopedie/giuseppe-fiorelli/
Autres
- Cours de troisième année de Licence sur l’art des cités antiques.
- Conférence sur les fouilles d’Herculanum.
Image de couverture : Pompéi, passage piéton de la via Stabia, Berthold Wemer (Licence CC BY-SA 4.0)
Un commentaire sur “Les cités du Vésuve, Partie 2/3 – Histoire d’une découverte #1”