Apollon et Daphné, Le Bernin, 1622 – 1625 – Une oeuvre, une histoire #4

On se retrouve aujourd’hui avec une oeuvre chère à mon cœur, Apollon et Daphné du Bernin, réalisée entre 1622 et 1625. Comme pour Le rapt de Proserpine, il s’agit d’une oeuvre qui me fascine par sa beauté et la qualité du modelé apportée par le sculpteur.

Ce groupe sculpté a été commandé par Scipion Borghèse, le neveu du pape Paul V (1605 – 1621). Scipion possède alors une grande villa à Rome, la villa du Pincio. Il y regroupe de nombreuses sculptures modernes et sa collection ressemble à un petit musée privé. Ce groupe devait prendre place avec trois autres groupes : Le rapt de Proserpine, Énée et Anchise fuyant Troie et David. Ce groupe sculpté est représentatif de la sculpture baroque et du style virtuose du Bernin. Penchons nous à présent sur le mythe entourant cette oeuvre, relaté dans Les métamorphoses d’Ovide.

Le Bernin, Apollon et Daphné, 1622 – 1625, Galerie Borghèse, Rome – Licence Creative Commons Share Alike, photo par Architas

Le mythe d’Apollon et Daphné

Apollon est le dieu de la beauté, de la lumière bienfaisante du soleil, des arts ou encore de la médecine. Il est le fils de Zeus et de Léto, fille du titan Cronos et de Phoebé. Malgré la renommé de sa beauté, Apollon est connu pour ses nombreux déboires amoureux, non seulement auprès des nymphes mais aussi auprès des mortels. Le mythe d’Apollon et de Daphné n’échappe pas à cette règle.

Ainsi, après une dispute avec Cupidon pendant laquelle Apollon se moque de l’arc du dieu de l’amour, ce dernier décide de punir l’arrogance d’Apollon. Il décoche alors une flèche dorée sur le dieu du soleil. Cette flèche inspire à Apollon une passion aveuglante pour une jeune nymphe chasseresse : Daphné. Elle est la fille du fleuve Pénée et de la nymphe Créuse et a pour modèle Artémis, la déesse de la chasse. Tout comme la déesse, elle a pris la décision de rester vierge. À cela s’ajoute une seconde flèche dorée, tirée par Cupidon, qui la rend insensible aux avances du dieu. Malgré cela, Apollon ne veut pas abandonner son amour et il décide de poursuivre la nymphe.

Daphné, chasseuse hors paire, réussi à échapper à Apollon. Mais, malgré ses talents à la course, le dieu ne tarde pas à la rattraper. Épuisée et apeurée, elle aperçoit son père, le fleuve Pénée, et lui supplie de lui venir en aide. Pénée entend son appel et décide de la métamorphoser. Alors qu’elle court, Daphné sent ses pieds s’enraciner dans le sol, son corps se couvrir d’écorce et ses doigts devenir un feuillage délicat.

Apollon assiste impuissant à la transformation de la nymphe en arbre. Il décide alors de donner à ce nouvel arbre le nom de son amour perdu, Daphné, le nom grec du laurier. Apollon fait alors du laurier son emblème. C’est pour cela que l’on retrouve le laurier dans de nombreux lieux et événements liés au dieu. À Delphes, dans le sanctuaire d’Apollon, le laurier est ainsi omniprésent et la Pythie, la prêtresse sacrée, rentre en contact avec son dieu après avoir mâché du laurier. De plus, lors des jeux pythiques, des jeux mêlant compétition sportive et intellectuelle en l’honneur d’Apollon, les gagnants reçoivent une couronne de laurier.

Que nous représente Le Bernin ?

Le Bernin nous représente ici le moment tragique de la métamorphose. On aperçoit donc Apollon, représenté en jeune homme, qui court derrière Daphné. La nymphe possède encore son corps humain mais il se transforme progressivement en arbre comme le montre sa chevelure, ses pieds ou encore ses mains. Sur son visage, on peut lire sa peur et son désespoir incarné par le cri muet lancé à son père.

Le Bernin, Apollon et Daphné, détail, 1622 – 1625, Galerie Borghèse, Rome – Licence Creative Commons Share Alike, photo par Alvesgaspar

Cette représentation du Bernin est réputée être très fidèle au texte d’Ovide. Il y présente une composition très dynamique et réaliste avec un important travail sur le modelé de la chaire. Toutes ces caractéristiques (une scène représenté au moment le plus tragique, le modelé de la chaire, l’expression exacerbée des sentiments) en font donc un exemple remarquable de sculpture baroque.

Le mythe d’Apollon et Daphné dans l’histoire de l’art

Les Métamorphoses d’Ovide sont, depuis l’Antiquité, une source d’inspiration importante pour les artistes, qu’ils soient sculpteurs, peintres ou encore musiciens. Voici quelques exemples de ces œuvres :

Piero del Pollaiolo, Apollon et Daphné, 1470 – 1480, National Gallery – Domaine public
Christoph Murer, Apollon et Daphné, vers 1580, Crocker Art Museum
Domaine public
Hendrik Goltzius, Daphné changée en laurier, 1589, Musée d’Art du comté de Los Angeles – Domaine public
Jakob Auer, Apollon et Daphné, avant 1688, Kunsthistorisches Museum Wien – Licence Creative Commons Share Alike, photo par Manfred Werner
Jean-Etienne Liotard, Apollon et Daphné, 1736, Rijksmuseum – Domaine public

 

Bibliographie

Ouvrages de référence

  • Ovide, Les métamorphoses.

Ouvrages généraux

  • DARTHOU Sonia, Lexique des symboles de la mythologie grecque, Que sais-je ?, 2017.
  • Dir. De CHANTAL Laure, L’antiquité par ses textes, Panthéon en poche, Dieux et déesses de l’Antiquité, Signet Belles Lettres, Tome 1, 2007.
  • HAMILTON Edith, La mythologie, Ses dieux, ses héros, ses légendes, Poche Marabout, 2013.
  • RAT Maurice, Aide-mémoire de Grec, Nathan, 2008.

Webographie

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