
Des Français sur les traces de la mémoire
En 1958, De Gaulle est rappelé au pouvoir et la V° siècle République par Référendum et on ne parle plus que par la voie de l’Homme du 18 juin. Vichy est enterrée sous une profonde chape de l’oubli. Pourtant, la France subit un électrochoc à travers mai 1968. A cette occasion, le passé de la Seconde guerre mondiale et l’occupation refont surface dans les affiches des étudiants. De ce fait, les CRS sont comparés aux SS et De Gaulle à Hitler. On interroge la génération précédente là où quelques années au par avant on ne voulait pas parler du passé.
Trois ans après mai 68, le silence est brisé par un film, Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophuls. Ce film montre la ville de Clermont-Ferrand avec un autre visage de la France, celui de la collaboration. Ce film n’est projeté que dans une petite salle du quartier latin. Pourtant, il est vu par plus de 600 000 spectateurs. Les mémoires de ces années noires devient un enjeu mémoriel de taille. Ce film reçoit un accueil mitigé, partagé entre révoltes et autoflagellations, honte et indignation, surprise et incrédulité. Simone Veil va même critiquer le film.
L’éveil des mémoires va atteindre son paroxysme en 1972. En effet, le Président Pompidou accorde la grâce présidentielle à Touvier, chef de la milice de Lyon, une organisation politique et paramilitaire créée par Vichy pour lutter contre la Résistance considérée comme terroriste par le régime. Il est notamment impliqué dans le meurtre de plusieurs juifs suite à l’assassinat du ministre de le propagande de la France. Touvier se proclamait ni responsable, ni coupable et il se sert du mythe du bouclier pour justifier ses actes. A cela s’accompagne l’éveil d’une identité juive, jusqu’à lors muette, et avec elle, la mémoire du Génocide. Celui-ci va désormais se retrouver au cœur de toute discussion sur la Seconde guerre mondiale.
Tout ceci a pour conséquence une série d’inculpations pour crimes contre l’humanité. Serge Klarsfeld peut donc débuter son combat contre la République amnésique. Klarsfeld est un écrivain, historien et avocat franco-israëlien. Il va s’employer à faire juger en Allemagne les nazis responsables de la déportation de 76 000 juifs de France. Son but est de briser le tabou de Vichy, secouer les consciences et juger les criminels de la collaboration.

La mémoire venue d’outre mer
En 1973, les éditions du Seuil fait paraître le livre de Robert Paxton, sorti outre-mer un an plus tôt, La France de Vichy. Ce livre va renverser les perspectives traditionnelles. Paxton est jeune et étranger, de ce fait, il n’a pas vécu les événements dont il fait part. L’ouvrage fait sauter de nombreux verrous.
En effet, ce livre indique que Vichy n’a jamais pratiqué un double jeu et encore moins une Résistance face à l’occupant. Au contraire, Vichy a insisté au près des Allemands pour que ceux-ci acceptent une politique de collaboration dès 1940. Cela démonte clairement la thèse qu’a développé quelques années au par avant Arymond Aron avec la fameuses thèse du bouclier et du couteau. Enfin, il étudie la spécificité de Vichy, en regard de l’occupant, en particulier dans une lutte contre les juifs.
Ce livre va donc heurter les consciences et créer un scandale. Une partie de la communauté juive recommande la lecture de cet ouvrage car elle y retrouve ce qu’elle a exprimé haut et fort ce qu’elle n’a cessé de dénoncer. Les communistes accueillent très bien le livre tandis que la droite se révolte. Cet ouvrage majeur apparaît donc comme une démonstration froide et objective des événements.
Face à un gouvernement qui reste sourd
Comme nous l’avons vu à travers De Gaulle ou encore la grâce de Pompidou, la République Française semble sourde à ces grands chocs mémoriels. Pour elle, l’apaisement vient de l’oubli, là où le peuple cherche à découvrir la vérité. L’arrivée au pouvoir de Mitterrand ne change rien, pour lui Vichy demeure nul et non avenue malgré de grands scandales qui explosent.
Tout d’abord, des membres du gouvernement de Vichy sont réintégrés dans les gouvernements successifs et cela dès De Gaulle. En effet, Papon est promu préfet de troisième classe à l’été 1944 par De Gaulle malgré ses fonctions sous Vichy : membre de plusieurs cabinets ministériels et dès 1942 secrétaire général de la préfecture de Gironde et donc à la tête du service des affaires juives. Il est réintégré au pouvoir et dès lors, toutes les enquêtes sur lui cessent. Ce n’est qu’en 1991 que le Canard enchaîné révèle l’affaire. Cela nous montre donc que le gouvernement avait besoin de personnes formées pour pouvoir immédiatement établir un gouvernement pour administrer le pays. On pense que ce traitement à été réservé à de nombreux hauts fonctionnaires. Mais les scandales mémoriels ne s’arrêtent pas là.
Sous Mitterrand, le Président dépose une gerbe sur la tombe de Pétain en souvenir du héros de la Première guerre mondiale. Ses prédécesseurs l’ont aussi fait, mais pas de manière publique. Ce geste ne passe pas dans une France qui commence à réclamer des explications sur son passé. De plus, toute une série de scandales se succèdent :

- En 1994, un livre dévoile le passé de Mitterrand, ancien contractuel de Vichy ayant reçu la Francisque, la plus haute décoration de cette époque.
- Mitterrand fréquente Bousquet, organisateur de la rafle du Vel’d’hiv et qui a proposé de livrer 10 000 juifs étrangers de la zone non occupée aux Allemands.
- C’est Bousquet qui récolte les fonds pour la campagne de Mitterrand contre De Gaulle.
- Quand en 1982, Klarsfeld met en lumière assez de procès pour poursuivre Bousquet, la procédure s’enlise et finalement le procès n’aura jamais lieu. Bousquet sera assassiné chez lui en 1993.
Tous ces éléments nous montrent bien que malgré les révélations survenues depuis les années 50 et 60, les différents présidents de la République sont passé outre le passé pétainiste de plusieurs membres du gouvernement, faisant ainsi le sourd face aux besoin mémoriel grandissant de la communauté civile et sa volonté de justice, une justice qui n’est pas allée assez loin lors de l’épuration.
Bibliographie
Ouvrages généraux
- ABBAD Fabrice et TOSITTI Guillaume, La France aux XIX° et XX° siècles en 500 questions réponses, Belin, 2003.
- Dir. ROUSSO Henry, La France des temps présents 1945 – 2005, Belin, 2010.
Ouvrages spécialisés
- CONAN Eric et ROUSSO Henry, Vichy, un passé qui ne passe pas, Gallimard, 1996.
- LE GOFF Jacques, Histoire et mémoire, Gallimard, 1988.
- PAXTON Robert, La France de Vichy 1940 – 1944, Seuil, 1973.
- ROUSSO Henry, Le syndrome de Vichy 1944 – 198… , Seuil, 1987.
Articles
- LE PRINCE Chloé, « Non, l’épuration n’a pas été « sauvage » après la Seconde guerre mondiale », France Culture, 2018. [En ligne] https://www.franceculture.fr/histoire/non-lepuration-na-pas-ete-sauvage-apres-la-seconde-guerre-mondiale
Webographie
- Centre régional de la résistance et la liberté, « L’épuration, les lendemains sombres » : http://www.crrl.fr/module-Contenus-viewpub-tid-2-pid-117.html
Documentaires
- Vichy, la mémoire empoisonnée.
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